Au Sommet Climate Chance Afrique 2025, à Cotonou, la biodiversité n’était pas qu’un thème parmi d’autres : elle était au cœur d’un atelier clé, intitulé « Corridors de biodiversité : où en est l’Afrique de l’Ouest ? ». Sur le plateau, une voix a particulièrement retenu l’attention : celle de Mariame SY, jeune chercheuse à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, engagée sur le suivi de la Grande Muraille Verte. 

Pour elle, l’enjeu est simple à formuler, mais complexe à mettre en œuvre : relier plutôt que juxtaposer. Partout en Afrique de l’Ouest, des initiatives existent pour préserver les écosystèmes et les espèces menacées, mais elles restent souvent cloisonnées à l’échelle nationale. « Dans chaque pays, il y a des initiatives pour conserver ces corridors, mais de façon indépendante, alors que les espèces n’ont pas de frontières », rappelle-t-elle. 

L’atelier de Cotonou a justement permis de faire ce tour d’horizon régional : quelles actions sont conduites au Sénégal, au Bénin, au Niger, au Burkina Faso, au Mali ou encore en Côte d’Ivoire pour préserver les couloirs de migration de la faune, les continuités forestières, les zones humides stratégiques ? Le cas du Sénégal a été mis en avant, avec les avancées de la Grande Muraille Verte, ce vaste projet panafricain qui, bien au-delà de l’image d’un mur d’arbres, devient progressivement un outil de conservation des espèces menacées et de restauration des écosystèmes dégradés. 

Mais pour la jeune chercheuse, le diagnostic reste nuancé : les efforts sont là, ils sont visibles, mais ils ne suffisent pas encore à garantir la fonctionnalité écologique des corridors. D’où l’idée, largement partagée au sein de l’atelier, de travailler à un plan d’action commun pour l’Afrique de l’Ouest, capable de dépasser les frontières administratives et de coordonner les politiques publiques de conservation.

La question n’est pas uniquement scientifique. Elle est aussi politique, financière et diplomatique. Les chercheurs, insiste Mariame SY, n’occupent qu’un maillon de cette chaîne. « Nous produisons de la connaissance, nous mettons des données à disposition, nous alertons et faisons des recommandations. Mais il faut que les États coordonnent leurs actions », explique-t-elle, rappelant que la responsabilité finale de la protection des corridors revient aux pays et à leurs engagements concrets.  

Au cœur de son intervention, un outil se détache : l’Observatoire Hommes-Milieux International rattaché à l’Université Cheikh Anta Diop. Cet observatoire pluridisciplinaire suit, sur le long terme, l’impact de la Grande Muraille Verte sur la biodiversité : évolution des populations d’espèces, fragmentation ou reconnexion des habitats, effets sur les communautés locales. Autant de données précieuses pour orienter les politiques de conservation, mais qui ne prennent tout leur sens qu’à l’échelle transfrontalière. 

En filigrane, l’atelier de Cotonou pose donc une question stratégique : l’Afrique de l’Ouest saura-t-elle transformer ses projets dispersés en un véritable réseau régional de corridors écologiques ? La réponse dépendra de la capacité des États à harmoniser leurs approches, à mutualiser les moyens, et à intégrer durablement la notion de connectivité dans l’aménagement du territoire.

À l’issue des échanges, une conviction se dégage : les bases existent, les connaissances s’accumulent, les initiatives locales se multiplient. Ce qui manque encore, c’est le pas décisif vers une gouvernance régionale partagée de la biodiversité. À Cotonou, la voix de jeunes chercheuses comme Mariame SY rappelle qu’il y a urgence : sans corridors fonctionnels, les politiques de conservation resteront fragmentées et avec elles, la biodiversité ouest-africaine elle-même.

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