C’est un changement de paradigme majeur qui s’opère dans les eaux du Golfe. En marge du MENA Oceans Summit au cours du Congrès mondial de la nature de l’UICN à Abu Dhabi, les lignes bougent. Le secteur maritime, longtemps pointé du doigt pour son empreinte carbone, tente d'opérer sa mue en s’appuyant sur un levier inattendu : la science.
L’impératif de la double approche
Fini le temps où la réduction des émissions de CO2 occultait tout le reste. Pour l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le message délivré lors de ce troisième sommet régional est sans équivoque : la décarbonation ne peut plus se faire au détriment du vivant.
« Les deux choses ne peuvent pas être séparées. Il faut vraiment qu'elles travaillent côte à côte », insiste l'experte de l'UICN basée à Dubaï. Ce constat marque une rupture stratégique. Si la décarbonation a longtemps monopolisé l'agenda des conseils d'administration, la biodiversité marine s'impose désormais comme une variable incontournable de l'équation économique.
La science au gouvernail, le privé à la manœuvre
L'enjeu dépasse la simple déclaration d'intention. Il s'agit de baser les décisions politiques et industrielles sur des « données scientifiques » tangibles. La représentante de l'UICN appelle à une synergie pragmatique : les gouvernements doivent adapter le cadre régulatoire, tandis que le secteur privé doit financer l'innovation.
Et l'argent est sur la table. Loin des effets d'annonce, des capitaux massifs sont mobilisés. « On a eu des exemples spécifiques, dont une entreprise du secteur maritime qui investit déjà 20 milliards de dollars sur la décarbonation et la biodiversité », révèle l'intervenante. Un montant colossal qui prouve que la préservation des océans devient un terrain de compétition économique vertueuse, plutôt qu'un frein à la croissance.
Le Golfe, nouvel épicentre de la diplomatie bleue ?
Le choix d'Abu Dhabi pour accueillir le Congrès mondial de la nature cette année 2025 n'est pas anodin. C'est une première historique pour le Moyen-Orient, une région qui, selon l'UICN, est restée trop longtemps en retrait sur les enjeux océaniques.
La donne a changé. Depuis trois ans, les monarchies du Golfe opèrent un virage stratégique, investissant massivement dans la recherche et l'innovation scientifique. En accueillant l'élite mondiale de la conservation et les acteurs clés du secteur privé, la région entend démontrer qu'elle n'est plus seulement une puissance pétrolière, mais un acteur capable de peser sur l'avenir des océans.
Pour l'industrie du shipping, vital pour cette région carrefour, l'heure n'est plus au désaccord, mais à l'action concertée. Comme le résume l'UICN : sur le sujet de la survie des écosystèmes, la seule compétition qui vaille est celle de l'innovation.
Par la Rédaction Envoyé spécial à Dubaï