L’Université de Lomé a accueilli une journée internationale consacrée à la recherche participative sur les semences paysannes, réunissant chercheurs, organisations paysannes, experts du Sahel et d’Europe, ainsi qu’une forte délégation d’étudiants et de jeunes chercheurs. L’événement visait à éclairer une question fondamentale : comment renforcer la souveraineté alimentaire grâce aux semences locales et aux savoir-faire endogènes ?
Lors de la séance plénière, les experts ont souligné l’importance stratégique des semences paysannes. Pour THOMAS Mathieu, du CIRAD, « la semence paysanne, c’est d’abord l’autonomie », indispensable pour résister aux crises et garantir la stabilité des systèmes alimentaires. Les échanges ont mis en avant la nécessité d’une collaboration renouvelée entre organisations paysannes et scientifiques pour accompagner cette transition.
Le cri d’alerte du Sahel : urgence climatique et dépendance semencière
Les représentants sahéliens ont apporté un témoignage saisissant sur les réalités climatiques et agricoles du Niger.
Mahamadou SANOUSSI HASSAN, directeur de Mooriben, a décrit une région durement touchée par l’irrégularité des pluies, compromettant productivité et sécurité alimentaire. À cette pression climatique s’ajoute une autre menace : la dépendance aux semences importées, coûteuses et inadaptées, qui affaiblissent la souveraineté des petits producteurs.
Il plaide pour une reconnaissance politique des semences paysannes, qui représentent pourtant plus de 80 % des semences réellement utilisées.
Redécouvrir nos patrimoines agricoles
Un expert togolais a souligné la nécessité de revaloriser les pratiques et ressources locales, longtemps négligées au profit de modèles agricoles importés.
« Nous avons privilégié la quantité au détriment de la résilience, et le climat nous rappelle aujourd’hui que nos propres ressources étaient adaptées », observe-t-il.
Pour lui, cette journée marque un tournant vers une réappropriation des savoir-faire agricoles endogènes.
La jeunesse universitaire, moteur d’espoir
Les échanges ont particulièrement marqué les étudiants présents.
AKAN Lïna, étudiante en master, retient l’importance de certifier et légaliser les semences paysannes, largement utilisées par les producteurs locaux.
TOGNI Kossi Eric, doctorant, souligne l’apport scientifique majeur des discussions, notamment sur la sélection participative et l’importance des semences locales dans les pratiques culturales.
Une dynamique Nord-Sud portée par le projet MoBiDiv
L’événement s’inscrit dans le cadre de MoBiDiv (2021–2026), un programme international visant à promouvoir la sélection participative, la co-culture céréales–légumineuses et la transition vers une agriculture sans pesticides.
En 2025, le Togo accueillera un voyage d’étude rassemblant chercheurs, paysans et institutions d’Afrique et d’Europe, avant une mission retour en France en 2026.
Maîtriser les semences, maîtriser l’avenir
La journée s’est clôturée sur une conviction unanime : la souveraineté alimentaire commence par la souveraineté semencière. Une voix s’est élevée et a fait écho dans toute la salle « Les semences sont notre banque de gènes. Les maîtriser, c’est maîtriser notre avenir. » Une certitude partagée par l’ensemble des participants, déterminés à redonner aux semences paysannes la place centrale qu’elles occupent dans l’histoire, l’identité et l’avenir agricole des communautés ouest-africaines.